L’alibi du conspirationnisme

Deux esclaves mélanodermes, Malcom X et Senghor, discutant dans une plantation d’Ayiti au XIXe siècle. Toute ressemblance avec à des personnes réelles est une simple coïncidence.

Senghor : Sais-tu que c’est notre cannibale de Roi qui nous a vendu ?

Malcom X : Ah bon ?

Senghor : Bien sûr, tu n’es pas au courant ? Tout le monde en parle.

Malcom X : Mais qui est-ce qui t’a dit cela ?

Senghor : Le bon maître bien évidemment ! Qui d’autre a la possibilité de nous fournir des informations ?

Malcom X : Mais es-tu sûr qu’il ne manipule pas cette information à son avantage afin que nous lui soyons toujours reconnaissant ?

Senghor : Comment cela ??!! Ce n’est pas seulement notre maître qui le dit, tous les maîtres le disent durant les lynchages sur la place publique. Mais que fais-tu lorsqu’on en parle pour ne pas l’avoir entendu ?

Malcom X : Je les entends dire tout un tas de choses concernant notre Terre d’origine, à en croire leurs paroles, en nous amenant ici, ils nous auraient d’ailleurs sauvé l’Âme.

Senghor : Tu ne cesses de me surprendre à remettre en cause des évidences, connaissais-tu Jésus-Christ et sa promesse de rédemption avant d’arriver ici ? Ne vois-tu pas que sa rencontre est une bénédiction ? Le maître est bon parce qu’il prend de son temps pour nous partager son message.

Malcom X : Moi je ne fais pas confiance aux maîtres, depuis que je les observe, j’ai bien constaté qu’ils ne nous aiment pas, pire ils semblent éprouver un plaisir à nous voir souffrir. Sinon pourquoi nous faire travailler de la sorte, nous fouetter, nous violer avec nos femmes, nous séparer de nos enfants, nous trancher des parties du corps, nous attacher durant notre sommeil, nous…

Senghor : Oui oui je sais tout cela ! Mais c’est la volonté de Dieu de nous punir pour nos pêchés qui ont rendu notre peau si sombre.

Malcom X : Non, je ne pense pas. J’ai entendu dire que c’est la grande maison de Dieu (1) qui a autorisé les parents de nos maîtres à nous traiter de la sorte et que bien avant cela, ils traitaient leurs propres frères à l’identique, tout ceci se ferait avec l’accord de Dieu. D’ailleurs pour la majorité, ils ne nous auraient pas acheté mais obtenu par chantage militaire auprès de Rois grâce à leurs complices.

Senghor : Donc tu voudrais dire que tous les maîtres nous mentent, que tout ce qu’ils nous disent est faux sur toute la ligne ?

Malcom X : Oui, et Dutty Boukman (2) prétend d’ailleurs qu’ils préparent même la venue sur la Terre de nos Parents (3) pour nous faire porter leurs habits, parler leur langue et la contrôler comme si c’était la leur, exactement ce qu’ils ont fait avec les populations présentes ici avant l’arrivée de nos parents.

Senghor : Oh la la, ton cas est plus inquiétant que ce que j’imaginais ! Définitivement, les coups de fouets t’ont fait perdre la raison. Boukman est un extrêmiste connu et reconnu comme tel par tous les maîtres, il est adepte des théories du complot, moi je ne crois pas aux théories conspirationnistes, mais aux seuls véritables faits et tu devrais en faire de même.

Malcom X : Et comment fais-tu pour savoir qu’un fait et son interprétation sont fiables s’ils te viennent d’une même source, tes maîtres ?

Senghor : Non mais il y a des choses qui sont évidentes, ça se saurait si les maîtres préparaient un tel projet, un peu de bon sens…

Malcom X : Plus que tout, je ne comprendrais sûrement jamais ta capacité à voir de la bonté et gentillesse chez un maître qui a fait mourrir plus de personnes que tous ses esclaves réunis. Peut-être est-ce parce que contrairement à nous autres, tu dors et vis dans sa maison.

(1) fait référence à la Bulle Papale de 1454 du Vatican qui donna au roi Alphonse du Portugal la permission de réduire en esclavage les populations mélanodermes.
(2) Dutty Boukman, figure emblématique de la révolution ayitienne qu’il impulsa au travers de la Cérémonie du Bois-Caïman du 14 Août 1791. Assassiné en Novembre 1791 par les autorités françaises, son oeuvre est poursuivie par Toussaint Louverture.

(3) fait référence à la Conférence de Berlin qui débuta le 15 Novembre 1884 et scella le partage de l’Afrique par une poignée d’états européens.

Photo de Malcom X

Les maîllons d’une chaîne

Thap M’belan : Ta’a, que fais tu assis au milieu du chemin ?

Tambè : Je contemple la Danse du Monde une dernière fois Thap M’Belan.

Thap M’belan : Mais ne fais-tu pas partie de cette Danse du Monde ?

Tambè : Si, bien sûr et c’est justement ce pourquoi je demeure immobile afin de la perturber le moins possible et la ressentir davantage.

Thap M’belan : Et lorsque tu la contemples, comment est-elle ?

Tambè : Elle est magnifique mon enfant, assieds-toi, contemplons la ensemble !

Thap M’belan : Oui, je la vois également !

Tambè : (sourire)

Thap M’belan : Ta’a, mais pourquoi ne l’avais-je jamais remarqué ?

Tambè : Parce que tu es trop occupé à remplir ta tête de choses inutiles.

Thap M’belan : Il faut donc que je Vide ma tête ?

Tambè : Comment veux-tu remplir un verre déjà plein Thap M’Belan ? Vide ton verre de tes Désirs et laisse la Vie le remplir pour toi. Comment te sens-tu ?

Thap M’belan : Comme Envahi d’une énergie nouvelle, c’est comme si mon Coeur Dansait à son tour.

Tambè : N’est-Elle pas somptueuse ?

Thap M’belan : Mais qui est responsable de cette Danse ?

Tambè : Haha, continue à la contempler et tu le sauras, mais est-ce bien important de le savoir ?

Thap M’belan : Qu’est-ce qui importe alors ?

Tambè : De veiller sur Elle, de faire que jamais cette Danse ne s’arrête, Elle est lien entre tout ce qui existe, le pont entre Toi et tes Ancêtres, de Toi et tes Enfants, Elle est le Souffle de la Vie.

Thap M’belan : Et comment veille-t-on sur Elle ?

Tambè : En l’observant comme nous le faisons actuellement.

Thap M’belan : Heureusement que tu es là alors !

Tambè : je vais d’ailleurs y aller.

Thap M’belan : Tu pars ?!! Mais Où ça ?!!

Tambè : Il est Temps pour moi de rentrer à la Maison.

Thap M’belan : A la Maison ?!! Mais qui va rester Veiller sur la Danse si tu t’en vas ?!!

Tambè : Nous tous sommes les Maillons d’une Chaîne, d’une très longue Chaîne, ne l’oublie pas.

Thap M’belan : Qu’est-ce ça veut dire ?!! Et pourquoi me fixes-tu en souriant ?

Tambè : …

Thap M’belan : C’est à mon tour de Veiller sur Elle, n’est-ce pas Ta’a ?

Tambè : (sourire), au revoir Thap M’Belan !

Thap M’belan : Merci Ta’a !

Tambè : Non, c’est moi qui te remercie d’être venu à moi, je peux partir en paix, je sais que tu Veilleras sur Elle mieux encore que je n’ai pu le faire !