« Aujourd’hui se décide ce que sera le monde en 2050 et se prépare ce qu’il sera en 2100. […] L’histoire obéit à des lois qui permettent de la prévoir et de l’orienter »
– Jacques Attali dans Une brève histoire de l’avenir.
Avec le direct informationnel envahissant les espaces publics, on a d’abord pensé pouvoir saisir l’instant présent plus fidèlement, pourtant on constate que cet instant présent fut plutôt piégé par le flot d’informations devant nous permettre de le saisir avec précision. Et cela pour une raison simple en contradiction avec l’ère des fast-news. La nouvelle information n’est plus mise en contexte, elle n’est plus traitée comme la conclusion ou l’aboutissement d’événements s’étant déroulés des années auparavant. La nouvelle information est traitée comme si toute sa réalité jaillissait ex-nihilo et apportait ses propres lois. Résultat celui qui reçoit cette information ne dispose pas du recul nécessaire pour en tirer une quelconque leçon, son instant présent n’est plus qu’une somme d’informations incohérentes. Le sacre de cette pathologie qu’est le direct informationnel est l’expression « théorie du complot ».
Utilisée la plupart du temps pour distinguer un fait et son analyse considérés comme véridiques d’un fait fantasmagorique, son simple recours suffit à discréditer une thèse tout en se dispensant de fournir l’effort de la contre argumentation. En tentant de nier la possibilité que des circonstances soient le fruit de décisions de personnes réunies autour d’intérêts communs dans le plus grand secret, on infantilise la personne face à la question politique. On prétend que les visées du conseil d’administration d’une multinationale disposant du numéro de ministres seraient identiques à celles d’un boucher du coin de rue ou bien que les enjeux politiques du chef des renseignements d’un pays depuis 15 ans suivent ceux de l’étudiant manifestant pour le retrait d’une loi. Heureusement Jacques Attali, l’homme qui murmure à l’oreille des présidents de la République française, nous rappelle quelques éléments de réalité, l’Histoire se prévoit et s’oriente en fonction des décisions prises. Pendant que certains se divertissent, d’autres réfléchissent à la ligne historique que doivent suivre leur département, région et pays. Et ne pas en avoir conscience, tout comme ne pas traiter l’information avec un certain recul nous transforment en victime passive des choix des uns et autres.
C’est ce qui se passa avec l’élection du 44e président Barack Hussein Obama, après sa victoire du 04 Novembre 2008 célébrée en grande pompe par l’ensemble des médias. Barack Obama fut présenté comme le trait d’union entre une communauté mélanoderme victime d’un racisme structurel et une communauté leucoderme ravie de pouvoir laver une partie de sa conscience, la fin d’une ère provoquée par un inattendu de la politique. Mais l’histoire d’Obama débuta pourtant bien avant son élection en 2008, le début de son récit nous ramène à Obama senior qui fut suggéré par Tom Mboya, ex-collaborateur de la CIA et ancien Ministre au Kenya, avec 279 autres pour participer à un projet d’implantation des valeurs états-uniennes en Afrique en vue de la lutte contre le communisme. Il rencontra à l’Université d’Hawaï en 1959 Ann Dunham, la mère d’Obama et collaboratrice de la CIA. Or à cette époque Hawaï et son université sont le point de lancement de plusieurs opérations anticommunistes en Indonésie financées par la Banque d’Hawaï dont la grand mère d’Obama fut la première femme à occuper le poste de vice-présidente. Elle joua un grand rôle de blanchiment d’argent pour le compte de la CIA.(1)
Ainsi avant d’envahir la scène publique américaine, le nom d’Obama était déjà connu des services secrets américains depuis 50 ans. Il est donc faux d’affirmer que le 44e président des États-unis sortit de nulle part, il est issu d’un moule qui suinte l’influence de la CIA depuis son père. Un moule dans lequel on retrouve le nom d’une famille dont Obama semblait être l’antithèse, les Bush avec cette fois-ci George Herbert Walker Bush directeur de la CIA de Janvier 1976 à 1977 et 41e président des États-Unis qui affirma ceci :
« Je pense que nous devons considérer la CIA comme un patrimoine national à préserver pour son rôle joué dans notre système de défense…Il est important que le peuple américain comprenne le travail complexe que réalise la CIA dans un monde de plus en plus compliqué. C’est essentiel que nous ayons le support du peuple américain. »(2)
Trois présidents des États-Unis possédant des liens familiaux étroits avec la CIA, le service de renseignement décrit comme une partie vitale du système de défense du pays. Rien de plus normal pourrait-on penser, pas de quoi jeter un discrédit sur eux, si cela peut aisément s’entendre pour les Bush, cela n’est malheureusement pas possible pour Barack. Et pour le comprendre, il est important de contextualiser le vécu de son père afin de saisir ce qu’il représente.
Obama Senior fut choisi pour suivre un programme de valorisation et d’implantation des valeurs états-uniennes en Afrique et ailleurs contre la montée de l’URSS, lorsqu’il était encore étudiant et rencontra la mère d’Obama en 1959, les États-Unis étaient au bord de la rupture. En effet la ségrégation raciale atteignait son paroxysme, le système d’apartheid établi dans les états à partir des lois Jim Crow (une série d’arrêtés et de règlements promulgués entre 1876 et 1964) ne parvenait plus à contenir le cris de protestation plus que violent de la communauté mélanoderme après 300 ans de déshumanisation permanente. Et pour enrayer l’écho de ces cris, on retrouve la trace d’un autre service de renseignement, le FBI avec à sa tête de 1924 à 1972 la triste figure John Edgar Hoover.
Si ce dernier est davantage connu pour ses supposées amants et un penchant pour le travestissement, il a été un acteur incontournable dans la destruction et la déviation de toutes les revendications mélanodermes sur le sol américain, cela grâce à une technique d’infiltration. Qu’il s’agisse de l’assassinat de Malcom X en 1965 ou de Martin Luther King Jr. en 1968, on décrit toujours la présence de membres en collaboration avec le FBI et proches des concernés, lorsqu’ils ne furent pas directement approchés par le FBI. Mais ce qui constitue le Graal de l’oeuvre du FBI et d’Edgar fut la destruction d’une organisation dont la zone francophone n’entend quasiment plus parler mais qui parvint à réaliser quelque chose de tout à fait surprenant dans le contexte des États-Unis, le Black Panther Party.
Le Black Panther Parthy est un mouvement fondé dit-on le 15 Octobre 1966 en Californie par Bobby Seale et Huey P. Newton, inspirés par la lutte de Malcom X. De son nom complet Black Panther Party for Self-Defense, l’organisation était chargée de faire ce que l’état américain ne souhaitait pas faire depuis son existence, garantir la sécurité et l’intégrité des populations mélanodermes(3). Il s’appuyait sur un programme d’aide alimentaire appelé « free breakfast for children », il offrait d’autres services gratuits comme les vêtements, la santé, la lutte anti drogue, l’aide aux logements, en plus de cours de politique et d’histoire visant à expliquer ce que fut le rôle du mélanoderme dans la construction des États-Unis et surtout le sort que l’État américain lui avait toujours réservé. Mais une des politiques chocs qui étendit l’aura du Black Panther Party fut la surveillance par des membres armés des patrouilles de police afin de faire stopper les « dérapages » policiers devenus normes envers les mélanodermes. L’organisation fut si efficace que le directeur du FBI déclara dans le Sun du 16 Juillet 1969 :
« Sans hésitation, le Black Panther Party représente la plus grand menace à la sécurité intérieure de notre pays. »
Prétextant une proximité avec les communistes et des altercations avec la police, le FBI lança officiellement le programme de déstabilisation interne, COINTELPRO. De nombreux raids et assassinats ciblés finirent par avoir raison de l’organisation dont la disparition fut officialisée dans l’année 1982.
Tandis qu’Obama senior et ses camarades mélanodermes prenaient l’avion pour Hawaï puis Harvard afin d’être préparé à servir les valeurs des États-Unis grâce au programme de la CIA. Sur le sol américain, des mélanodermes étaient classés comme terroristes par le FBI pour avoir retenu la leçon de 300 ans de violence. Pendant que d’un côté la machine politique écrasait toutes revendications mélanodermes n’entrant pas dans ses aspirations, elle préparait en coulisse le profil de mélanoderme souhaité. Celui qui ne saurait rien faire d’autres que suivre les textes de lois d’un pays qui n’a jamais su regarder son racisme structurel dans les yeux.
Ayant en tête tout ce contexte, il paraît difficile de fonder de quelconques espoirs en Obama, malheureusement c’est ce que fit une grande partie de la communauté mélanoderme qui à bout de solutions ont pensé voir en lui, l’aboutissement d’une lutte raciale. Il ne fut là que pour produire cette illusion envers la communauté mélanoderme, un élément de distraction pour ne pas que cette dernière continue à se considérer en guerre sur le sol américain mais se considère comme un citoyen complet. Et comme pour souligner l’impuissance d’Obama, c’est sous ses deux mandats que l’on revit le visage de ce pays dans lequel un policier peut descendre un mélanoderme de dos sans être inquiété. Et fidèle à son rôle, Obama ne prit aucune mesure forte ou pour enrayer cette dynamique comme parvint pourtant à le faire le Black Panther Party.
C’est ainsi que l’histoire se prévoit et se dirige. Obama est une leçon qu’il nous faut tous retenir, avant de se réjouir d’une personne présentant des traits de visage nous semblant familier et revendiquer une quelconque adhésion à son message, il faut s’assurer d’avoir un certain recul, il peut n’être que le nouvel éventail venu distraire l’attention.
(1) http://www.voltairenet.org/article166848.html
(2) “I think we should think of the CIA as a national asset that must be preserved as a vital part of our defense system. . . It is important that the American people understand the intricate job the CIA is doing in an increasingly complex world. It is essential we have the support of the American People.”
– George H.W. Bush, speech in San Antonio, Texas, 1978
(3) Dans un discours tenu à Columbus en 1859, Abraham Lincoln, 16e président des États-Unis, tint les propos suivants rapportés dans Speeches and Writers, 1832-1858 de l’éd Library of America, 1989, p.33 :
« Je dirai donc que je ne suis pas ni n’ai jamais été pour l’égalité politique et sociale des noirs et des blancs, que je ne suis pas, ni n’ai jamais été, pour le fait d’avoir des électeurs ni des jurés noirs, ni pour le fait de former à exercer ces fonctions, ni en faveur des mariages mixtes ; et je dirai en plus de ceci, qu’il y a une différence physique entre la race blanche et la race noire qui interdira toujours au deux races de vivre ensemble dans des conditions d’égalité sociale et politique. Et dans la mesure où ils ne peuvent pas vivre ensemble mais qu’ils coexistent, il faut qu’il y ait une position de supériorité et infériorité, et moimême, autant que n’importe quel homme, je suis pour le fait que la position de supériorité soit attribuée à la race blanche. »