Dans un reportage publié le 14 Novembre 2017, la CNN par l’intermédiaire de la journaliste Nima Elbagir nous dévoile d’après ses images le quotidien des mélanodermes d’Afrique vendus aux enchères dans l’actuel Libye. Commença alors au sein des populations mélanodermes originaires ou non d’Afrique un ballet d’indignation. Face à la banalité de ces actes de vente, l’émotion se transforma rapidement en colère et douleur. Des manifestations spontanées s’organisèrent dans certains pays d’Afrique. À Paris, une « marée noire » inonda les Champs-Élysées1. Le mélanoderme d’Afrique venait enfin de sortir pour un bref instant de la tranquillité de son doux rêve pour le cauchemar du réel.
Le cauchemar du réel, parce qu’au delà de l’émotion suscitée, il faut malheureusement constater qu’il fallut attendre un reportage de la CNN réalisé en 2017 pour que la gravité d’une situation éclate enfin aux yeux du grand nombre. Une situation pourtant connue depuis 2011 par l’Union Africaine et signalée par de nombreuses associations internationales dont Human Rights Watch et Amnesty International. Jean Ping alors président de la commission de l’UA cette année s’exprimait déjà en ces termes : « On tue des Noirs, on égorge des Noirs, on accuse les Noirs d’être des mercenaires. Vous trouvez ça normal qu’un pays qui compte un tiers de Noirs confonde Noirs et mercenaires ? »2
Mais alors que s’est-il passé entre 2011 et 2017 concernant le sort de ces populations mélanodermes de Libye dont aujourd’hui le synonyme les désignant n’est plus mercenaire mais migrant ? Rien ou alors très peu. Et c’est justement ce qu’a de symbolique cette émotion suscitée suite au reportage de la CNN. Elle révèle au mélanoderme qui souhaitait encore croire à l’égalité et la justice de ce système que sa vie ne vaut malheureusement pas plus que 400$.
Son sort n’intéresse pas l’élite politique subsaharienne qui n’a pas su s’organiser pour informer quotidiennement les masses de ce qui se jouait en Libye. Elle préfère se distinguer par ces silences complices et méprisants dont elle a le secret. Cette élite qui pourtant s’était rendue en grande pompe à Paris soutenir la France dans le deuil des journalistes du journal satirique Charlie Hebdo. Le sort du mélanoderme intéresse encore moins une élite occidentale qui avait pourtant en charge conformément à la résolution de l’O.N.U. de veiller sur les populations civiles durant l’intervention de l’OTAN en Libye.
Mais le plus grave et surprenant est que le mélanoderme ne s’intéresse pas à son propre sort, pire encore il tente de nier la violence du système à son endroit sous prétexte qu’il aurait de bonnes interactions amicales et professionnelles avec les autres communautés. Peu importe les situations d’injustices sociales vécues par le mélanoderme. On en trouve toujours de ces mélanodermes qui tentent d’expliquer qu’il s’agit simplement de cas isolés n’ayant aucun lien les uns avec les autres. Que le racisme n’est plus une cause en 2017. Ainsi, il s’injecte une dose quotidienne de somnifère qui le plonge dans le rêve de l’égalité. Et lorsqu’un fait divers tel que celui relaté par la CNN vient le sortir de son rêve, il prétend s’offusquer avec la première énergie contre cette injustice.
Il ne fait que prétendre parce que c’est le même que l’on retrouve le lendemain soit à la mosquée à réaliser ses 05 prières quotidiennes envers Allah, soit dans une église affiliée à l’obédience catholique ou protestante évangélique. Le Mélanoderme feindra de ne pas savoir que ces trois structures religieuses sont les premières à avoir justifié, structuré et béni sous les ordres de Dieu sa mise en esclavage.
Il oublie avec un certain brio que l’esclavage arabo-musulman qui permit la pénétration de la religion musulmane dans les pays subsahariens actuels fit d’après les chiffres de l’historien Tidiane N’diaye 18 millions de déportés vers l’Arabie. Déportés pour la majorité disparus après des castrations généralisées sur une période s’étalant du VIIe au XXe siècle, voire XXIe puisqu’il se poursuit encore en Mauritanie à l’instant où ces lignes s’écrivent. Le mélanoderme dira ignorer que l’esclavage puis l’apartheid des États-Unis et d’Afrique du Sud, inspiré du modèle de l’État d’Orange, ont en racine les réformes protestantes luthériennes et calvinistes.
Bien que les systèmes religieux aient toujours cherché à façonner la vie des croyants selon une certaine tradition, subitement la religion devient pour le mélanoderme une affaire personnelle, il s’accommode parfaitement de cette contradiction mais sera surpris d’observer l’existence de Juifs néo-nazis.
Lorsque l’incohérence ne se situe pas sur le plan religieux, elle se retrouve sur le plan social, le mélanoderme est timide à reconnaître qu’il n’est pas le bienvenu dans ses différents pays hôtes. Il persiste à analyser les problèmes sociaux-économiques en termes de démocratie, de laïcité, de croissance et de développement. Et non sous l’angle de l’adversité comme s’il souhaitait éloigner un implacable constat. Peu importe la perspective à partir de laquelle on regarde cette planète, une constante saute aux yeux : là où le mélanoderme est représenté, il est toujours relégué au bas de l’échelle sociale.
C’est le cas des dalits, les fameux intouchables d’Inde qui sont repoussés vers certaines côtes pour ce qu’il en reste et vivent en dehors parfois de ce qui est appelée la civilisation. Dans l’Océanie, en Papouasie Occidentale, les populations majoritairement mélanodermes sont persécutées et pourchassés dans le plus grand silence par l’Indonésie. Cette dernière revendique la Papouasie Occidentale comme une partie de son territoire depuis 1969. Les Papou qui représentaient 96% de la population locale au début des années 70, sont aujourd’hui minoritaires.
Au Venezuela et au Brésil, la communauté mélanoderme souffre d’une absence totale de représentativité à l’échelle nationale, héritière de l’esclavage, elle constitue la communauté la plus défavorisée3.
En France, terre auto-proclamée des droits de l’homme et de la liberté, l’amie intime des présidents d’éternité de la Françafrique. On constate sans grande surprise dans la continuité du Code Noir de Louis XIV que la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe et le département de Mayotte, terres de mélanodermes, accusent d’énormes retards d’infrastructures en comparaison avec la métropole. Retards leur donnant en certains endroits des allures de bidonville d’Afrique subsaharienne4. On constate également qu’une fois sorti du cadre du sport et du divertissement, la proportion de mélanoderme se réduit comme peau de chagrin pour devenir quasi-inexistante dans la haute fonction publique.
Quand le racisme structurel envers le mélanoderme ne semble plus contenter une élite politique, c’est à nouveau son intégrité physique qui est visée. C’est ce que fit l’Afrique du Sud avec l’aide de son chimiste Wouter Basson plus connu sous le nom de « docteur-la-mort ». À la tête du Project Coast, il était chargé de mettre au point des armes biologiques ne devant cibler que les mélanodermes, ses recherches allèrent de la stérilisation à l’empoisonnement. C’est plusieurs millions qui furent engouffrés et sur la liste des principaux états participant à ce projet, on retrouve sans surprise, Les États-Unis, la Suisse, la France, l’Angleterre et un nouveau venu au club des pays colonisateurs, Israël. Les faits d’armes du chimiste durant l’apartheid ne sont plus un secret mais il continue pourtant de jouir de ses droits de citoyen5.
Ce dernier aurait pu n’être qu’une parenthèse de l’histoire si le gouvernement israélien, sûrement par nostalgie de certains de ses pères religieux ne décida de mettre sur pied une politique de stérilisation des felashas, une communauté éthiopienne mélanoderme se réclamant héritiers d’Israël6. Aux États-Unis, le champion en titre du racisme envers les populations mélanodermes, le FBI présidé par Edgar J. Hoover ne trouva pas mieux que de désigner le Black Panther Party comme organisation terroriste numéro une menaçant jusqu’à la sécurité intérieure du pays. Or le seul crime des Black Panther Party fut de fournir aux populations mélanodermes du sol américain, ce que l’administration leur refusait depuis des siècles, la liberté et la sécurité.
Malgré cette liste non-exhaustive de faits avérés et commentés qui pavent la tumultueuse existence du mélanoderme, il parvient encore à être surpris par la vente de ses semblables. Tout simplement parce qu’il refuse d’admettre qu’une guerre lui a été déclarée sur la base de son phénotype depuis 500 ans par l’élite occidentale et beaucoup plus par une partie du monde sémite, et que l’intégralité de son quotidien n’en est que le reflet. Il préfère continuer à nourrir un Dieu dont on peine à percevoir les actes posés en faveur du mélanoderme. Ou alors préfère se contenter de son épanouissement économique lorsque ce dernier est acquis.
S’il exprime une revendication, comme c’est actuellement le cas aux États-Unis avec le mouvement Black Lives Matter, c’est celle de pouvoir jouir des mêmes privilèges que l’ensemble des citoyens, c’est-à-dire d’avoir une place digne dans le système. Malheureusement le système dominant d’inspiration occidentale n’a jamais été pensé pour lui offrir une quelconque place autre que celle de marchandise ou au mieux d’élément décoratif. Qu’il s’agisse du pilier religieux ou de la charpente financière, ils ont pu fleurir en se nourrissant abondamment de son sang, alors comment pourraient-ils soudainement être des vecteurs de liberté et de dignité pour lui ?
Penser le changement de la condition générale du mélanoderme en empruntant les solutions du système qui lui a pourtant retiré son humanité, c’est simplement poursuivre le suicide en cours. C’est accepter demeurer le jouet d’une sphère médiatique qui saura influencer ses émotions pour offrir des tribunes à des héros providentiels qui se révèleront n’être que des loups déguisés en agneau comme ce fut le cas avec le 44e président des États-Unis, Barack Hussein Obama7.
Les circonstances le montrent déjà clairement, le mélanoderme n’a pas d’autres choix. S’il désire acquérir une liberté effective, il doit réaliser qu’il est en guerre et se poser la principale question : « pour quelles raisons est-il systématiquement agressé et méprisé ? » Peut-être alors commencera-t-il à générer les solutions lui permettant de s’affranchir des règles du système et penser en dehors de la logique religieuse, médiatique et scolaire. S’il se refuse à considérer que sa présence est un problème et que sa condition est le fruit de politiques menées, c’est qu’il ne lui reste plus qu’à donner raison aux philosophes du dit « Siècle des Lumières » et à l’écrivain Joseph Arthur de Gobineau8.
Quant au leucoderme, il ne faudrait pas que l’articulation de ce texte lui donne le sentiment de ne pas être concerné. Si ses médias tentent de lui faire oublier le prix de ses divertissements présents et autres gadgets technologiques. Il hérite par ricochet de son appartenance à sa nation des agissements de son élite. Il lui faut donc également répondre à cette épineuse question s’il ne souhaite pas être surpris un matin par des hordes de mélanodermes s’en prenant à ses enfants dans un esprit de vengeance. D’autant plus que leurs sorts sont liés, la violence de l’ancien système d’usure mué en capitalisme néo-libéral, qui fait de la marchandisation de chaque parcelle de la vie une norme et l’accroissement des inégalités dans le monde une constante, a pour capitale Wall Street, une des filles idéologiques d’Amsterdam, l’ancienne « New Jerusalem ».
Or la première marchandise cotée à la bourse de Wall Street fut justement le mélanoderme fraîchement débarqué des navires négriers. Si néanmoins le leucoderme persiste à se penser détaché du sort du mélanoderme, il peut toujours se demander par quelle étrange curiosité historique, de nombreuses maisons royales européennes décidèrent de représenter sur leurs armoiries une tête de mélanoderme orné d’une couronne. Pourquoi tandis que la Péninsule Ibérique appuyée par le Pape se lançait dans une politique de déshumanisation du mélanoderme justifiant son transport aux Amériques. Le grand absent de la traite Atlantique, le Saint Empire romain germanique, dont le cœur était l’actuel Allemagne, avait pour Saint patron le mélanoderme Saint-Maurice aussi connu sous le nom de Maurice d’Agaune de Thèbes. De ces questions, le leucoderme pourrait en apprendre davantage sur l’histoire silencieuse de son continent.
(1) Un millier de personnes manifestent à Paris contre l’esclavage en Libye, Article du journal Le Monde.
(2) L’inquiétude grandit pour les populations noires en Libye, article du journal Le Monde du 07/09/2011
Le calvaire des africaines noirs de Tripoli, brutalisé par les révolutionnaires libyens.
(3) Au Brésil, un racisme cordial, article du journal Le Monde.
Les Noirs Au Brésil, en 2014, article extrait du livre Je suis toujours favela de l’édition Anacaona.
(4) Un taux de chômage de 19,4% en moyenne en 2014, article de l’Insee.
(5) Dr la Mort, livre de Tristant Mendès France.
Documentaire France 3 intitulé Docteur la Mort.
L’Afrique du Sud, ex-Laboratoire secret de bio-terrorisme des démocraties du Réseau Voltaire.
(6) Quand Israël impose la contraception à ses Ethiopiennes, article daté du 30 Janvier 2013 du Le Point.
An Inconveivable Crime, Israel’s patronizing and inhumane treatment of Ethiopian women is nothing new, article de Décembre 2012 d’Haaretz, un des quatre plus grands quotidiens d’Israël.
Les Juifs noirs victimes de racisme en Israël : ce peuple oublié du reste du monde, publié sur CanalFrance.
Israël : pourquoi les felashas sont en colère du journal L’Express publié le 04 Mai 2015.
Juifs mais Ethiopiens, Israël ne veut plus d’eux du journal Jeune Afrique publié le 03 Juillet 2013.
(7) https://chroniques-baka.com/la-science-de-lepouventail
(8) « On ne peut se mettre dans l’idée que Dieu, qui est un être sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir. […] Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous mêmes chrétiens. » Montesquieu, De l’esprit des lois.