« Journaliste ivoirien : concrètement, combien les pays du G20 sont-ils prêts à mettre dans l’enveloppe pour sauver l’Afrique et quelle sera la part de la France ?
Emmanuel Macron : Alors je vais vous dire, je ne crois pas une seule seconde à ce type de raisonnement, il y a plusieurs enveloppes qui ont été données (…) Le plan Marshall était un plan de reconstruction matériel dans des pays qui avaient leur équilibre, leurs frontières, leur stabilité. Le défi de l’Afrique, il est totalement différent, il est beaucoup plus profond, il est civilisationnel aujourd’hui. (…) »– Extrait du discours du président français Emmanuel Macron lors du sommet du G20 tenu les 7 et 8 Juillet 2017 à Hambourg en Allemagne.
Si la question du journaliste ivoirien souffre d’une certaine naïveté qui donnerait presque à penser qu’elle fut posée pour permettre au président français Emmanuel Macron de prouver combien il avait étudié tous les angles de la question africaine. La réponse de ce dernier ne fut pas moins à la hauteur de la question. Outre la mention des mêmes problèmes sociaux économiques déjà connues pour ce continent et l’allusion à un taux de natalité trop élevé qui serait un frein aux aides d’après les analyses du banquier. Monsieur Macron est resté fidèle à la posture de Président de la République française, c’est-à-dire qu’il n’a évoqué à aucun moment dans son parapluie à problèmes africains, le système de corruption mis en place entre les multinationales de son pays et les dirigeants des pays africains bien connu sous le nom de Françafrique qui permettent à chacun des partis de bénéficier d’énormes royalties de la corruption. Il a encore moins évoqué ce que rapporte à son pays le FCFA, la monnaie utilisée par la plupart des pays de la zone francophone. Il a simplement servi le catéchisme habituel qui est servi durant ces sommets du G7 ou G20 au cours desquels les États les plus agressifs de la planète s’habillent du tablier de la vertu. Catéchisme qui semble avoir encore de nombreux fidèles à l’instar du journaliste ivoirien qui s’imaginent que les états n’agissent pas pour leurs intérêts mais pour le bien commun. Un catéchisme entamé par une phrase qui nous confirme bien qu’il est en effet un président de la France :
« Le défi de l’Afrique, il est totalement différent, il est beaucoup plus profond, il est civilisationnel ».
En effet par cette simple phrase l’ex-banquier nous rappelle cette vieille tradition de l’élite française mais également occidentale qui suppose que certains, ici l’Occident, posséderaient les clefs de la civilisation et donc le baromètre. Mais ses propos vont plus loin puisqu’ils participent à une idéologie vieille de plusieurs siècles que subit encore de nos jours l’Afrique et le mélanoderme. Et dont les populations victimes ne semblent plus percevoir les manifestations et la récurrence, ceci étant facilité par un traitement de l’information à l’instantanée et non plus contextualisée. Résultat, à chaque sortie d’un représentant politique français concernant la question africaine et plus précisément subsaharienne, c’est le déferlement d’indignation. Chacun semble se rappeler que l’Afrique n’est malheureusement pour l’Occident que l’équivalent d’un terrain vague dont il faut assurer l’exploitation des ressources tout en gérant tant bien que mal la masse d’âmes humaines. Pourtant l’étude historique nous enseigne que cela fait environ 500 ans que le mélanoderme d’Afrique fait l’objet d’un ciblage précis.
L’histoire commence aux alentours du XVe Siècle avec le Pape représentant de l’église qui décida sous inspiration divine que le mélanoderme et l’indien d’Amérique ne possédaient pas d’âme, les privant ainsi de leur humanité. En tant qu’autorité de couronnement des rois d’Europe, l’église inspira certaines maisons royales, en 1685, Louis XIV le fameux roi soleil, apporta l’argument législatif avec le Code Noir. Deux siècles après lui avoir retiré son humanité, un roi d’Occident définissait juridiquement le mélanoderme esclave comme étant un bien meuble. Il ne manquait plus qu’un seul paramètre, l’argument scientifique et la fumeuse période appelée le Siècle des Lumières du XVIIIe Siècle vint l’apporter avec le racialisme et la théorie de l’évolution. La science des progrès utilisa la morphologie comparée pour justifier l’infériorité physique du mélanoderme, l’œuvre de Joseph Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des races humaines en fut la consécration. En l’espace de 400 ans, une partie de l’élite occidentale frappa le mélanoderme à trois reprises en lui refusant successivement l’humanité, le droit de citoyen et la capacité créatrice. À la sortie du XIXe Siècle, le mélanoderme n’est du point de vue de l’élite occidentale qu’un pantin articulé, puisqu’il était défini comme n’étant rien et ne pouvant rien, il n’avait donc pu rien créer de valable. Sa terre d’origine, l’Afrique devenait donc ce terrain vague sur laquelle l’intelligence ne s’était jamais manifestée. Environ 150 ans avant le président Nicolas Sarkozy sous l’inspiration de la main d’Henri Guaino, Victor Hugo affirmait déjà que l’Afrique n’avait pas d’histoire, donnant le feu vert à la colonisation, la mission civilisatrice débuta. La Conférence de Berlin qui réunit 14 états découpa l’Afrique comme on découpe une chèvre rituelle. Pendant ce temps aux États-Unis, le Ku Klux Klan apparaissait, en 1925, il revendiquait 5 millions d’adhérents, parmi des membres appartenant aux plus hautes sphères de l’état américain. Lynchages, pendaisons, meurtres étaient le quotidien d’un mélanoderme ex-première marchandise de Wall Street et à peine remis des coups de fouets. Théodore Roosevelt affirmait :
« Je n’ai pas été capable de trouver une solution au terrible problème offert par la présence du Noir sur ce continent. Il est là et ne peut être ni tué ni chassé ».
Et lorsque l’Amérique se présenta comme le héros qui sauva l’Europe du nazisme, elle fit oublier qu’elle appliquait sur son sol le racisme le plus virulent. C’est d’ailleurs un détail qui est souvent omis durant le récit de la Seconde Guerre Mondiale, ce qui est normal puisque qui a cure du pantin sans humanité et sans histoire qu’est le mélanoderme ?
Donc il n’est que normal que le président Emmanuel Macron identifie en l’Afrique un problème civilisationnel, ce n’est que le reflet de cette pathologie qui ronge une partie de l’élite occidentale depuis 500 ans et qui la rend inapte à reconnaître tout ce qui ne rentre pas dans ses canons de valeurs. Quant à la population occidentale, elle ne peut comprendre dans sa grande majorité ces stigmates de colonisateur puisqu’elle a été éduquée avec la fable qu’elle incarne un progrès que son élite a bravement distribué avec la plus grande douceur autour de la planète. Population qui a pourtant subi l’extrémisme de l’église, la dictature d’une oligarchie pour se contenter du statut de salarié accepté par un à priori de confort matériel.
Contrairement à ce qu’affirme Emmanuel, le problème de l’Afrique n’est pas civilisationnel, le problème de l’Afrique est que sa population, le mélanoderme n’a pas compris qu’une partie de l’élite occidentale lui a déclaré la guerre depuis plus 500 ans et que cette guerre continue encore aujourd’hui. Il s’agit d’effacer tout ce que le mélanoderme a pu incarner et incarne aujourd’hui, pour ne laisser place qu’au mélanoderme ne connaissant aucune autre réalité de valeurs que celle de l’Occident. Ce dernier, devenu consommateur d’un système démocratique, capitaliste et chrétien, se contentant du droit républicain peut exister, déambuler dans les entreprises et se dire PDG. D’ailleurs les régions reconnues comme bons élèves par Macron sont celles ayant une forte croissance économique, c’est-à-dire tournant au rythme des règles du marché libéral. Les autres, aux familles de 7 à 8 enfants, qui correspondent en fait aux dernières zones rurales doivent être soumises aux lois du marché libéral qui entend faire de l’expérience humaine, une servitude au travail récompensé par une ivresse de la consommation. Et elles y passeront avec l’aide des gouvernements de l’Afrique, sauf si le mélanoderme de la rue se décide à poser une réflexion concernant les fondamentaux épistémologiques de son époque.